Jean-Paul Brighelli, instituteur et instituteur français, a écrit un livre intitulé La fabrique de crétins, véritable réquisitoire contre les nouvelles théories pédagogiques et (non) disciplinaires qui, sous prétexte de respecter les enfants, les ont privés de leur principal droit en terme d’éducation : Apprendre.
Avec l’argument démodé selon lequel « les enfants s’ennuient à l’école », les programmes se sont vidés de leur contenu et du meilleur outil contre l’ennui qui rend les élèves muets : le savoir a été renoncé.
Avec l’affirmation démagogique que « l’enfant est au centre du système » ou que « l’élève construit son propre apprentissage », la raison d’être de l’École, lieu de transmission des savoirs, est anéantie et l’autorité de la enseignant en brouillant son rôle d’enseignant.
Au milieu de la polémique générée par le refus du ministre de l’Éducation de la Nation de l’époque de condamner catégoriquement les saisies d’écoles et d’affirmer que certaines « sont nécessaires », une grande vérité que le responsable a dit dans le même est passée inaperçue occasion : « Je ne connais pas un seul garçon qui se souvienne avec émotion d’un professeur qui ne l’a pas demandé.
Et donc? Comment est-ce compatible avec l’indulgence face à des étudiants qui prennent un collège et annulent une semaine entière d’études pour une réclamation aussi banale que d’avoir une caféteria ? Ou avec la déclaration, également faite par le ministre, que « tous les enseignants ne méritent pas que les enfants se lèvent pour les saluer lorsqu’ils entrent en classe » ?
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Lorsque la plus haute autorité éducative d’une Nation qualifie les élèves et étudiants de « gosses », tout est dit en matière de (in)discipline.
Aux étudiants, comme l’a dit le responsable lui-même, il faut pourtant les exiger, défier leur intelligence, relever la barre. C’est la meilleure solution à l’indiscipline, au désordre et à l’ennui à l’école.
Voici quelques paragraphes du livre de Brighelli, mais ses concepts pourraient bien s’appliquer à l’éducation de n’importe quel pays européen.
« Nos enfants ne savent plus ni lire, ni compter, ni penser. » Le constat est terrible et ses causes sont moins obscures qu’on ne le pense. Une chaîne de bonnes intentions malmenées et de calculs intéressés a démantelé en trente ans ce qui était l’un des meilleurs systèmes éducatifs dans le monde.
L’échec de l’enseignement n’est un secret pour personne : pas pour les enseignants, bien sûr, qui constatent chaque jour l’état de dégradation intellectuelle de leurs élèves, leur incapacité à réfléchir, leur allergie totale aux activités de l’esprit, leur profond analphabétisme ; ni pour les parents, qui s’étonnent régulièrement de constater que leurs enfants, même en dernière année du secondaire, savent à peine lire et écrire ; même pas pour les élèves, qui s’ennuient au fil des cours, balbutient quelques monosyllabes lorsqu’on les interroge, puis retombent dans la léthargie et se réveillent pour ne courir qu’à la cantine ou à leur mobylette.
« L’étudiant au centre du système ! »
En vingt ans de pouvoir plus ou moins partagé, la gauche a eu pour seule idée d’enseigner ce slogan si discrètement démagogique que les nouveaux ayatollahs de la pédagogie en ont soufflé. Et qui peut s’opposer à un si beau slogan ? L’école n’est-elle pas faite pour l’élève ? N’est-il pas le chouchou de l’institution scolaire ?
Disons tout de suite que « l’enseignant au centre du système » serait un slogan tout aussi stupide. La connaissance est un cercle dont le centre est partout et la circonférence est nulle part. Il ne s’agit pas d’établir une prépondérance, mais de fonder des réciprocités. Les élèves comme les enseignants ont des droits et des devoirs. Leur lien est dialectique, et non subordonné.
L’étudiant a le droit d’exiger des connaissances dans son éducation. Et l’enseignant a le devoir de l’instruire. L’étudiant doit être pris au sérieux : il est là pour étudier. L’enseignant a le devoir de le faire travailler dur : il n’est pas là pour faire l’école maternelle – ni pour susciter des débats ou encadrer des travaux personnels tirés d’Internet.
C’est là que réside la véritable exigence : apprendre. Rentrer à la maison en fin d’après-midi plus enrichi qu’au départ. « Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? Si l’enfant ou l’adolescent n’a rien à répondre à cette question des parents, ils ont perdu leur journée.
Il s’ensuit que l’enseignant n’est pas un copain. Il n’est pas appelé par son prénom, il n’est pas désigné.
« À l’écoute de l’élève » fait partie des blagues à la mode imposées aux enseignants pour justifier le fait que les élèves, de leur côté, n’écoutent plus. Que l’enseignant soit attentif au feed-back, c’est très bien. Permettre à cette sage communication qu’est la transmission du savoir d’être contaminée par des considérations sentimentales est une aberration.
Alors, précisons dès maintenant une question simple qui a voulu devenir problématique : l’élève n’est pas en classe pour « s’exprimer ». Vous êtes là pour écouter, apprendre et prendre des notes. D’autant plus qu’il arrive à l’école saturé de « bruit » extérieur, de cette confusion de messages qui tombent de la télévision, des rumeurs ou d’Internet. Ce qu’il veut, au fond, c’est ne pas continuer avec la confusion sonore ; mais pour enfin obtenir des informations différentes, sérieuses et soutenues.
Il est prêt, pour cela, à se taire. Il faut en revanche lui demander et ne pas lui demander son avis, pratique parfaitement stérile.
Pythagore exigea cinq ans de silence de ses nouveaux disciples. Un enseignant a le droit légitime de demander neuf mois d’attention.
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Les élèves, déplorait récemment un ministre, s’ennuient à l’école. En terme d’éducation : l’ennui se combat avec une seule arme : la connaissance. Il est de toute urgence de tolérer à nouveau le savoir à l’école. Pour revenir à faire de l’encyclopédie un but ultime.
L’évidence est que de plus en plus d’élèves ont trop de temps libre en classe, trop peu d’instructions, trop peu de devoirs. Tout élève un peu éveillé s’ennuie dès la deuxième minute de cours.
Mais tant que les bureaucrates de l’éducation, qui pensent connaître un peu l’enseignement, ne comprendront pas que les enfants aiment les défis (intellectuels, entre autres) et ne veulent pas spontanément être pris pour des idiots, nous continuerons à sombrer dans l’analphabétisme.
Les enfants s’ennuient. Vraiment? Mettons-les au travail.
Mais puisqu’il est actuellement interdit de traumatiser le moins du monde les petites têtes adorées, la dictée a peu à peu été reléguée au stock d’accessoires. L’exercice est fortement déconseillé par les nouveaux pédagogues. La dictée serait une source de traumatisme. Et épeler un concept dépassé, à une époque où la relecture de logiciels rend la vie tellement plus facile…. Alors les enfants sont condamnés à une erreur perpétuelle.
L’école, en supprimant le savoir, et en laissant les problèmes de la rue envahir le sanctuaire, sous prétexte de s’ouvrir sur le monde, de « respecter » toutes les opinions -comme si elles étaient toutes respectables-, de dévaloriser le travail, de banaliser l’autorité, a condamné à la rue tous ceux qui en viennent.
N’hésitons donc pas à revenir à la discipline et aux anciens sujets.
Rétablissons l’école généraliste : la capacité de se spécialiser ne vient que d’une vraie culture.
Ramenons les garçons à l’étude ; ce sera une manière de redonner le goût de l’effort à tout le pays. Et donnons-leur les moyens de travailler. L’école n’est pas une base de divertissement.
Rétablissons les sujets, restaurons la discipline.
A la promotion à l’ancienneté, substituons la promotion au mérite.
Jean-Paul Brighelli : La fabrique du crétin : la mort programmée de l’école. (Ed. Jean-Claude Gawsewitch, 2005)
Article original du site Live Sensei